Du 9 au 11 octobre 2014, le musée d’art du Nevada de Reno a réunit des chercheurs et des artistes du monde entier pour la triennale A + E, une série des conférences sur le thème de l’art et l’environnement.
Ce musée surprenant à Reno, ville où l’on vient surtout pour jouer aux casinos ou en allant à Burning Man, a une ligne curatoriale et un engagement précis. Fondé en 1931 par Dr. James E. Church, un professeur de littérature qui a construit la première station en haute altitude permettant de mesurer la chute de neige (Mont Rose, Sierra nevada), le musée a dès sa conception un lien fort avec son territoire. En 2008, William L. Fox est recruté comme consultant et il conçoit le Centre pour l’Art + Environnement un centre d’archives et de recherches au sein du musée dédiées aux interactions entre l’homme et la terre dont il est le directeur depuis 2009. Homme discret, curateur et brillant modérateur de ces 3 jours de conférences ( avec plus de 30 intervenants!), il a un parcours surprenant. Critique d’art et journaliste scientifique, il a publié une quinzaine de livres sur le paysage, de nombreux articles (monographie d’artistes, magazines, journaux). Il est aussi membre de la Royal Geographical Society et de l’Explorers Club, a eu la bourse Guggenheim, celle du National Endowment for the Humanities, du National Science Foundation, a été chercheur au Getty Research Institute, au Clark Art Institute, et à l’université nationale d’Australie. Il est actuellement chercheur associé à l’école d’architecture et de design d’Oslo. Le centre a pour vocation de soutenir les pratiques artistiques, la recherche et la connaissance des arts liés à la terre des années 60 à aujourd’hui (land arts, earthworks, reclamation art, eco art, bio remédiations art,…) ainsi que des travaux de photographes qui documentent les transformations industrielles du paysage. « Le land art est au Nevada, ce que le jazz est à la Nouvelle orléans » dit W.L. Fox. Robert Smithson, Walter De Maria, Nancy Holt, James Turrell ont tous pensé et construit des earthworks permanents ou temporaires sur les vastes territoires du Nevada, de l’Utah, de l’Arizona et du Nouveau Mexique. L’austère Michael Heizer y vit, et travaille depuis 1972 sur son énigmatique City, une pièce de land art monumentale de plusieurs km de long que peu ont vu. Cet héritage culturel a été le moteur pour la conception du Centre pour l’Art + Environnement. La Deiro Collection (comme elle se nomme) d’archives a notamment de nombreuse pièces de Michael Heizer, Walter De Maria (le premier croquis de Lightning fields!), des archives du Center for Land Use Interpretation, et de Burning Man. Ce centre d’archives, consulté par des chercheurs du monde entier, ne se contente pas de collectionner des oeuvres historiques mais travaille en permanence avec de nombreux artistes contemporains, leur commissionnant de nouvelles pièces. Les oeuvres privilégiées sont « Art that walks in the world » comme aime le dire W. L. Fox, l’art qui se pense dans le contexte de l’anthopocène, ne dénonce plus mais cherche des solutions (le thème des conférences cette année est l’art et l’anthopocène, la géoesthetique et le post humanisme).
Un projet actuel signifiant soutenu par A+E, est une pièce du légendaire couple d’artiste Helen et Newton Harrison (Harrison studio). En 69, alors que des hommes blancs et riches (comme dire L Lippard dans son livre Undermining) font du land art, Helen Mayer Harrison & Newton Harrison se promettent de ne faire que des projets artistiques dédiés à améliorer l’environnement et deviennent pionnier de l’art de la bio-rémédiation. Ils collaborent en permanence avec de nombreux scientifiques, et au Nevada, travaillent avec l’université de Californie de Sahegen Creek Field Station, et la tribu Washoe. Sur différents sites menacés par des sécheresses de plus en plus longues, ils font des expérimentations végétales à des altitudes différentes pour identifier quelles espèces survivent où, ces tests permettront de savoir quelles plantes seront les mieux adaptées pour re-végétaliser ces territoires. Leurs projets stimulent les économies locales (ici des pépiniéristes), et créent des dialogues entre des entités qui communiquent peu ( ici les natifs américains et les scientifiques). Lors de leur présentation, les Harrisons ont montré certaines de leurs cartes: les zones les plus toxiques des États-unis, les zones d’essais nucléaires, les zones d’armements. Les mêmes états que ceux mentionnés précédemment sont les plus contaminés. En association avec Lauren Bon (metabolic studios) ils proposent, très sérieusement, de vider cette zone d’humains, et créer un parc qui soit un corridor qui s’étend du Canada au Mexique, pour y laisser la faune et la flore s’y reconstruire. Ils ont nommé ce pays Rose et les passeports peuvent se commander en ligne. Cette démarche a été critiquée par les Canary project (jeune duo d’artistes aussi creux qu’ambitieux) lors des conférences à cause de leur utopie, ce a quoi Lauren Bon a gentiment répondu que ce qui est utopique est de penser que l’on peut continuer comme nous le faisons, réponse qui a été accueilli par un énorme enthousiasme de l’audience.
Le Centre A+E est en train de terminer un volumineux livre monographique sur l’ensemble de l’oeuvre des Harrisons ; un autre livre What is missing, oeuvre récente de Maya Lin où elle répertorie le réseau de rivières et la déperdition de glace dans l’arctique depuis le début du réchauffement climatique; et un livre inauguré pour l’ouverture d’A+E, Stellar Axis sur le travail de Rita Albuquerque réalisé en antarctique.
Un autre projet actuellement soutenus par A+E est le Watershed Restoration project de Daniel McCormick et Mary O’Brien en collaboration avec The Nature Concervancy sur les rivière Carson et Truckee.