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R79 : Analyse de la transition vers l’agriculture biologique, par H. Levrel et D. Couvet

Crédit image : Parcelle de légumes bio © Nicku / Dreamstime.com

R79 : Analyse de la transition vers l’agriculture biologique, par H. Levrel et D. Couvet

La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose ce regard de Harold Levrel et Denis Couvet, respectivement Professeur à AgroParisTech et Professeur au MNHN, sur la transition de l’agriculture conventionnelle vers l’agriculture biologique

Analyse de la transition vers l’agriculture biologique

La Société Française d’Ecologie et d’Evolution vous propose ce regard de Harold Levrel et Denis Couvet, respectivement Professeur d’Economie à AgroParisTech et Professeur d’Ecologie au MNHN, sur la transition de l’agriculture conventionnelle vers l’agriculture biologique.

Introduction : Comment comparer agriculture conventionnelle et agriculture bio?

Expertiser les conditions et conséquences d’une transition de l’agriculture conventionnelle vers le « bio » est complexe. La plupart des études comparent l’agriculture conventionnelle* et l’agriculture bio* (voir glossaire) en adoptant une approche analytique mono-factorielle, focalisée sur des rendements pour une variété donnée. Il nous semble cependant discutable de comparer des rendements entre le système bio et le système conventionnel qui mobilise, pour des raisons historiques, les meilleures terres, et qui a bénéficié d’accompagnements techniques et de subventions aux rendements pendant 50 ans.

Comparer le système bio et le système conventionnel implique de mettre en balance de nombreux éléments tel que les rendements, les prix, les techniques de production, les relations avec les espèces auxiliaires, les infrastructures écologiques* (voir glossaire à la fin du texte), les préférences des consommateurs. Pour cela, il faut adopter une approche systémique de la transition vers l’agriculture bio, d’autant plus que celle-ci n’est pas seulement agronomique : c’est aussi une transition culturelle, écologique, paysagère, macro-économique et organisationnelle.

Cette transition est culturelle, parce qu’elle implique le passage d’une vision de l’agriculture basée sur le contrôle possible par les humains des variabilités naturelles, à une vision fondée sur l’idée de symbiose entre les dynamiques humaines et les dynamiques naturelles.

Elle est écologique, car les impacts de l’agriculture conventionnelle sur la biodiversité, le climat et la santé (humaine et animale) sont aujourd’hui de plus en plus documentés ; cette transition vers le bio est un levier essentiel pour respecter les politiques environnementales, adoptées depuis le début des années 2000, sur l’eau, la qualité de l’air ou les espèces et habitats menacés. Le passage au bio nécessite par ailleurs un meilleur usage des processus écologiques naturels, ce qui va conduire à investir dans des infrastructures écologiques.

Elle est paysagère, car le développement du bio pourrait dépendre en partie de la création d’une mosaïque de parcelles plus petites, entourées de bandes enherbées, d’arbres ou/et d’autres structures favorisant le bio-contrôle et l’optimisation de l’usage des nutriments naturels.

La transition est macro-économique, car il s’agit de substituer du capital artificiel* (c’est-a-dire produit par l’homme), notamment les intrants de synthèse, par du capital naturel (auxiliaires de cultures, engrais organiques) mais aussi par du capital humain (besoin plus élevé en force de travail), à l’inverse de la substitution du capital naturel et du capital humain par du capital artificiel opérée depuis deux siècles. Par ailleurs la transition vers le bio implique le passage d’un modèle économique fondé sur la production de biens homogènes à un système de production dans lequel l’alimentation, les bénéfices environnementaux tout autant que sociaux sont appréhendés et appuyés financièrement, notamment via ce que l’on appelle les paiements pour services environnementaux que peut offrir l’agriculture multifonctionnelle.

La transition enfin est organisationnelle car l’agriculteur, qui a été transformé en chef d’entreprise maximisant ses rendements et (parfois) ses bénéfices au 20ème siècle, est aujourd’hui bien plus que cela aux yeux de la société – producteur d’aliments, aménageur du territoire, fournisseur de services environnementaux, fournisseur d’emplois en milieu rural –, ce qui nécessite de faire évoluer son statut. Mais au-delà même de l’agriculteur ce sont les syndicats, les ministères, les chambres d’agriculture, les instituts de recherche qui entrent dans une mutation forte pour construire, petit à petit, un nouveau système de production visant notamment à une collaboration accrue entre le monde de l’agriculture et le monde de l’écologie afin de trouver de nouvelles solutions basées sur la nature.

Les avantages de la production bio, tant d’un point de vue économique, écologique que social, restent débattus. C’est pour cette raison qu’il nous semble important de rappeler ses nombreux avantages, en reprenant un certain nombre d’éléments simples et compréhensibles pour l’ensemble des publics, tout en gardant à l’esprit que certains points peuvent être débattu.

 

Article édité par Anne Teyssèdre
Lire le Regard N°79


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