Art, agriculture et biodiversité
Lors de 2 journées thématiques se rassemblent artistes, étudiant·es, enseignant·es, professionnel·les concerné·es par les liens possibles entre art et agriculture…
Le travail des artistes présentés dans l’exposition 4,543 milliards explore l’histoire commune de l’activité humaine et des écosystèmes. Cette histoire conjointe s’accompagne d’une réflexion critique et politique sur la notion d’Anthropocène, théorie géologique selon laquelle il existerait une « ère de l’humanité » qui ferait de l’homme le seul responsable de la destruction alarmante engendrée par la modernisation et la capitalisation de la nature.
A travers ce rendez-vous, qui mêle pratiques artistiques, recherche historique et récits environnementaux et géologiques, le collectif Latitudes propose une présentation de l’historien Jean-Baptiste Fressoz suivie d’une discussion entre les artistes de l’exposition Xavier Ribas et Ângela Ferreira, Ces derniers ont une pratique artistique qui résiste à l’histoire générale de l’Anthropocène que Fressoz (avec Christophe Bonneuil) révèle dans son ouvrage L’événement Anthropocène. Faisant écho à l’approche historique détaillée de Fressoz, les projets de Ribas et Ferreira présentés dans l’exposition se penchent sur des études de cas dans des contextes géographiques et politiques très précis. En abordant les thématiques du négoce de minéraux et de l’extraction coloniale, les deux artistes reviendront sur leurs œuvres en évoquant leurs points de départ : l’exploitation du diamant en Afrique du Sud (Ferreira) et celle du nitrate de sodium au Chili (Ribas).
Comme l’ont écrit Fressoz et Bonneuil, l’Anthropocène « signale le retour de la Terre dans un monde que la modernité industrielle occidentale s’était représenté comme flottant en apesanteur au-dessus du socle terrestre. […] Histoire environnementale, anthropologie de la nature, droit et éthique de l’environnement, écologie humaine, sociologie de l’environnement, political ecology, théorie politique verte, économie écologique, etc., de nombreux domaines sont venus depuis quelques temps renouveler les sciences humaines et sociales et dialoguer avec les sciences de la nature ». Les échanges prévus à l’occasion de ce rendez-vous proposent de découvrir ce qui se produit lorsque de telles pratiques émergentes sont associées à celles des artistes, commissaires, espaces d’expositions et institutions muséales. Que se passe-t-il lorsque les artistes s’aventurent au-delà de la traditionnelle séparation entre sciences humaines et sciences dures, dans le domaine de l’histoire de l’art environnemental, de l’écologie culturelle, de l’activisme décolonisateur, et ainsi de suite ?
PROGRAMME
16h30 > 17h30 Introduction par Jean-Baptiste Fressoz
17h30 > 17h45 Pause
17h45 > 18h45 Conversation entre Xavier Ribas et Ângela Ferreira
18h45 > 19h45 Table ronde avec Jean-Baptiste Fressoz, Ângela Ferreira, Xavier Ribas, Max Andrews et Mariana Cánepa Luna
INVITÉ(E)S
Jean-Baptiste Fressoz
Jean-Baptiste Fressoz est historien des sciences, de la technologie et de l’environnement, et ancien maître de conférences à l’Imperial College de Londres. Il travaille au Centre national de la recherche scientifique de Paris, l’un des plus importants organismes de recherche gouvernementaux français et l’un des plus grands centres de sciences fondamentales en Europe. Il est l’auteur, avec Christophe Bonneuil, de L’événement Anthropocène (Seuil, 2013). « Cette histoire de l’ère Anthropocène brillante et audacieuse offre un contrepoint à notre conception pusillanime de l’impact très grave de l’humanité sur les systèmes terrestres. Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz font appel à la climatologie, aux sciences économiques et à l’histoire de la technologie pour démontrer comment, notamment en France à partir du XVIIIe siècle, les discours impérialistes qui concevaient la planète et ses habitants comme un ʺtout à gouvernerʺ ont pu poser les bases conceptuelles de la crise. Ils appellent à former de ʺnouvelles humanités environnementalesʺ et à s’éloigner d’une approche de marché qui ne fait que jeter de l’huile sur le feu ». Barbara Kiser, Nature.
Ângela Ferreira
Maputo, 1958. Vit à Lisbonne
Les œuvres qu’Ângela Ferreira présente dans le cadre de l’exposition font partie d’une série intitulée Stone Free (2012), en référence à la célèbre chanson interprétée par Jimi Hendrix (1942-70) en 1966. Stone Free crée des correspondances entre deux béances souterraines, deux « monuments négatifs » — pour reprendre la formulation de l’artiste : les grottes de Chislehurst, dans le sud-est londonien, et la mine de diamants de Cullinan en Afrique du Sud. Les grottes de Chislehurst sont un réseau de cavités souterraines qui, bien qu’existant depuis 1250, furent surtout exploitées à la fin du XVIIIe siècle. Elles furent creusées afin d’extraire de la craie et du silex. Utilisées comme abri anti-aérien pendant la Seconde Guerre mondiale, elles furent ensuite reconverties en « salles » de concert de rock dans les années 1960 et 1970. Le Jimi Hendrix Experience y joua en 1966, puis de nouveau en 1967, donnant un sens littéral à « l’underground », cette contre-culture, qui chez Hendrix, prenait la forme d’une synthèse entre réalisme social et spiritualisme psychédélique nourri d’imagerie africaine et amérindienne.
La mine de diamants de Cullinan — dite « Mine Premier » entre 1902 (date de sa fondation) et 2003 — est réputée pour avoir produit, trois ans après son ouverture en 1905, le plus gros diamant brut qu’on ait jamais découvert. Celui-ci fut fractionné en de nombreuses pierres dont la plupart, une fois polies, furent utilisées pour orner les Joyaux de la Couronne britannique. L’histoire récente de l’industrie diamantaire est inséparable du rôle joué par les colons en Afrique du Sud, notamment par le conglomérat De Beers, fondé en 1888 par le Britannique Cecil Rhodes (1853-1902), fervent partisan de l’impérialisme et futur Premier Ministre de la Colonie du Cap. De Beers possédait la plupart des mines de diamants d’Afrique du Sud et maîtrisait le marché de la distribution jusqu’à la vente récente au groupe Petra Diamonds de plusieurs de ses mines moins productives. Il s’est ainsi séparé de Cullinan en 2008.
Xavier Ribas
Barcelone, 1960. Vit à Londres
A History of Detonations [Une histoire de détonations] nous offre un aperçu du projet plus vaste à travers lequel Xavier Ribas explore l’héritage de l’extraction minière du nitrate de sodium au nord du Chili — une filière en pleine expansion entre les années 1870 et le début du XXe siècle, date de la mise au point de son procédé de fabrication chimique. Composée de photographies prises par l’artiste durant ses explorations, mais aussi d’anciennes cartes postales et de coupures de presse achetées sur Internet, A History of Detonations nous mène du Chili à Londres en passant par la planète Mars. L’extraction et le commerce du salpêtre chilien étaient aux mains de ceux qu’on a nommés les « gentlemen capitalistes » — des aristocrates, des banquiers et des marchands britanniques. L’exploitation de cette ressource n’eut pas pour seul effet de favoriser, d’une part, l’industrialisation de l’aride désert d’Atacama, et à de l’autre, l’enrichissement de domaines ruraux : en tant que fertilisant chimique ou élément entrant dans la composition des explosifs, le nitrate de sodium modifia radicalement un certain nombre de sites, d’organismes et d’institutions, qui n’avaient a priori rien à voir les uns avec les autres.
Max Andrews & Mariana Cánepa Luna (Latitudes)
Basée à Barcelone, Latitudes est une agence indépendante dédiée à l’organisation d’expositions, fondée en 2005 par Max Andrews (1975, Bath, Royaume-Uni) et Mariana Cánepa Luna (1977, Montevideo, Uruguay). Ils sont les commissaires de l’exposition 4,543 milliards. La question de la matière au CAPC et ceux du programme de résidences associé Geologic Time qui s’est tenu au mois de septembre 2017 au Banff Centre for Arts and Creativity. En 2009, Latitudes développe Portscapes, une série de dix commandes publiques pour le Port de Rotterdam, Pays-Bas (2009) ; en 2010-11, ils co-organisent l’exposition The Last Newspaper (New Museum, New York) et en 2011 sont commissaires invités pour l’espace de projet du Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León (MUSAC) à León, Espagne. Parmi leurs projets curatoriaux les plus récents, citons : l’exposition individuelle José Antonio Hernández-Díez. I will fear no evilau Museo d’Art Contemporani de Barcelona (MACBA), Barcelone (2016) ; Compositions, une série de commandes publiques in situ pour la Barcelona Gallery Weekend (2015 et 2016) ; le montage du projet de reportage curatorial en ligne Incidents (of Travel), développé en collaboration avec Kadist (projet initié en 2016).
Rencontre « Le retour de la Terre. Une histoire écologique de l’art et de l’anthropocène »
15 novembre – 16h30 – 20h
CAPC, Bordeaux
Plus d’informations sur : www.capc-bordeaux.fr
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